Mirmex Motor et sa technologie disruptive
Interview de Cédric Van Rossum, diplômé 1997 en électronique
Le 1er septembre 2020, le périodique Engineeringnet Magazine a publié un article[1] sur la technologie d’e-moteur disruptive de Mirmex Motor. En lisant cet article de presse, le Connect a reconnu un ancien étudiant de l’ECAM, Cédric Van Rossum.
L’occasion pour notre newsletter d’en savoir un peu plus sur le parcours professionnel de cet ancien ECAMien, sur sa vision de nos formations et surtout sur ce qu’est une « technologie disruptive », exemple à l’appui.
[1] Article en NDLS consultable en ligne : Disruptieve e-motortechnologie
Une carrière internationale
Après avoir obtenu son master en génie électronique à l’ECAM, Cédric Van Rossum a obtenu un diplôme de troisième cycle en gestion de l’entreprise à l’UCLouvain : « Le management et la gestion de projets techniques sont mes domaines de prédilection », reconnait l’ancien ECAMien.
Deux formations qu’il considère d’ailleurs comme complémentaires : « A l’ECAM, j’ai appris à atteindre un résultat. Beaucoup de projets technologiques m’ont été confiés grâce à cette capacité à prendre des décisions rapidement, cette faculté d’arriver là où je veux. Cette qualité m’a permis de bien avancer dans ma carrière ». Ses études en gestion de l’entreprise ont ensuite enrichi sa formation initiale : « Convaincre et expliquer sont des notions souvent peu maitrisées par les jeunes ingénieurs. Même si l’on ne travaille pas dans le département commercial, il faut savoir vendre le projet et la manière dont on gère le risque technique. Cette compétence se retrouve en général chez les séniors, qui l’ont apprise sur le tard, mais c’est un véritable atout de l’apprendre avant car l’art de la persuasion n’est jamais outsourcé ».
Cédric Van Rossum a ensuite développé son expérience dans différents secteurs de la technologie et de l’industrie. D’abord en Europe et ensuite aux États-Unis où il a occupé divers postes à la fois dans des multinationales industrielles ainsi que dans une startup californienne qu’il a cofondée.
Cédric Van Rossum est aujourd’hui le CEO de Mirmex Motor. Cette entreprise conçoit des micromoteurs qui ne sont plus limités par la forme ou le diamètre constant des fils d’enroulement de la bobine. Au lieu de construire des enroulements, fil par fil, Mirmex Motor imprime des motifs à l’aide d’un matériau flexible.
Une technologie disruptive
Cette nouvelle technologie totalement novatrice est considérée comme disruptive car elle rend les autres technologies sur le marché obsolète. Cette invention a remis en question l’ordre établi sur un segment de la recherche : « Lors de ces dernières décennies, ce marché était assez stable. Les changements étaient de faible amplitude et consistaient en des évolutions du matériau ou de design. Quelques évolutions de performance étaient intéressantes mais moindre par rapport au gain appréciable en terme de performance que permet notre technologie », explique M. Van Rossum.
Cette technologie disruptive offre un gain de compétitivité et donc une capacité à gagner des parts de marché : « Aujourd’hui, certains grands clients B2B technologiques font appel à notre société parce que nous offrons un changement important au niveau des performances et donc un pouvoir différenciant sur leur marché. C’est la raison pour laquelle de grands acteurs américains font du business avec une petite start up en Wallonie », confirme le CEO de Mirmex Motor.
L’histoire du projet
Ce projet n’est évidemment pas né du jour au lendemain. Il est le résultat d’un chemin long et périlleux.
En 2013, le Professeur Bruno Dehez et le Docteur François Baudart, les fondateurs de l’entreprise, ont eu une intuition technologique : « c’était la vision d’une optimisation de bobine moteur jamais explorée avant car infaisable d’un point de vue manufacturier ».
Mais la première méthode utilisée par les 2 fondateurs n’a pas fonctionné. Au lieu de se décourager, ils ont continué à y croire : « Finalement, si la première méthode avait fonctionné du 1er coup, nous n’aurions pas cherché plus loin et nous n’aurions pas découvert cette nouvelle méthode qui change complétement certains paradigmes », confie l’ingénieur. Aujourd’hui, Mirmex Motor est parvenu à donner des formes et des caractéristiques très particulières à ses bobines, ce qui engendrent un gain de couple moteur appréciable. Il a toutefois fallu avoir foi en ce projet pour progresser et arriver à un résultat.
Cédric Van Rossum a vite reconnu l’opportunité technologique du projet et, confiant, il a rejoint l’entreprise en 2017 : « Cette entreprise m’a tout de suite intéressée car, selon moi, leur évolution technologique faisait partie des 4 plus grands changements technologiques que j’ai eu la chance de rencontrer dans ma carrière ». Mirmex Motor, de son côté, était intéressé par la capacité de l’ingénieur à anticiper l’évolution des intersections entre technique et commerce : « Une de mes forces est le Product Marketing Technique. Je comprends comment une technologie va répondre à une demande du marché et inversement quel besoin le marché peut être comblé par une technologie ».
L’équipe, qui fonctionnait alors sur ses propres deniers, a investi son énergie à trouver des collaborateurs offrant une bonne cohésion, indispensable pour surmonter les obstacles ou même le stress : « Il nous fallait des collaborateurs audacieux, chevronnés et qui n’hésitent pas à prendre des risques. Mais aussi des personnalités complémentaires aux talents variés car chacun apporte sa pierre à l’entreprise : les licences, le leadership, les finances, les connaissances technologiques, scientifiques, les contacts… Toutes ces parties doivent au final tomber d’accord et c’est parfois très compliqué ».
Une fois l’équipe formée, il a fallu monter un solide dossier susceptible de séduire des investisseurs et des clients. De quoi bousculer leur 3 grands concurrents basés en Suisse, Allemagne et Etats-Unis qui fabriquent eux aussi des micromoteurs (un moteur électrique très performant et de très petit volume destiné à des drones, fraises chirurgicales, etc.)
Cette concurrence ne semble pas effrayer le CEO : « Ces 3 sociétés fabriquent des bobines filaires, des bobines avec du fil de cuivre compacté. Chez Mirmex, nous travaillons sur des bandelettes enroulées où le gain réside dans les formes très particulières des motifs de cuivre qui peuvent être dessinés via cette méthode. La densité de puissance est critique dans ces systèmes et Mirmex surmonte cet obstacle avec brio ».
Cédric Van Rossum
Poste
CEO de Mirmex Motor SA
Dr François Baudart
Poste
CTO de Mirmex Motor SA
Dr. Baudart est devenu le moteur de Mirmex. Il a également co-fondé Quimesis SPRL, une startup de robotique et d’appareils intelligents.
Bruno Dehez
Poste
Chief Scientific Advisor de Mirmex Motor SA
Professeur à l’UCLouvain, ses intérêts de recherche comprennent la conception et l’optimisation d’actionneurs électriques. Sans les travaux scientifiques du Pr. Dehez, il n’y aurait pas eu de Mirmex.
Ingénieur civil et/ou ingénieur industriel ?
En Belgique, les formations d’ingénieurs ne s’organisent pas comme à l’international : « J’ai travaillé dans plusieurs entreprises à l’international et je vois une véritable plus-value à nos formations belges qui sont divisées en 2 : les ingénieurs civils d’une part et les ingénieurs industriels d’autre part. Il y a un véritable degré d’appétence pour la modélisation scientifique chez les ingénieurs civils. Les ingénieurs industriels, eux, montrent des compétences indispensables pour la mise en œuvre des projets et l’atteinte des objectifs, ils sont dans la réalisation ».
Des profils complémentaires essentiels pour former de bonnes équipes : « Ces deux profils sont liés et répondent à la palette de nuances qui existent au sein de l’industrie. J’essaye toujours d’avoir des équipes pluridisciplinaires quand on lance des gros projets technologiques », explique le CEO avant d’ajouter : « Cette distinction n’existe pas dans les autres pays et cela nous cause parfois des problèmes car ce n’est qu’après avoir engagé les personnes que nous nous rendons compte à quel type de profil elles appartiennent ».
Un conseil pour les étudiants : apprendre les langues
Durant sa carrière, Cédric Van Rossum a occupé plusieurs postes à responsabilité en Europe puis aux Etats-Unis : « En 20 ans, la manière d’aborder les technologies s’est beaucoup tournée vers l’international ». Une évolution que l’ingénieur explique en partie par la pénurie que connait le secteur : « Par nécessité économique, de nombreuses industries technologiques belges ont été délocalisées soit en Europe de l’Est soit en Asie. Il manque des ingénieurs sur le marché belge et ces talents ont été trouvés ailleurs ».
Des délocalisations qui impactent forcément le métier : « Il est impératif que les ingénieurs qui sortent aujourd’hui disposent d’un niveau d’anglais impeccable. Ils ne doivent pas juste être capables de lire des articles en anglais. Ils doivent savoir discuter, négocier, se fâcher, séduire et manager. Si ce n’est pas le cas, il faut rechercher des stages à l’étranger ou suivre des cours de langue en parallèle. L’objectif étant de devenir bilingue voire trilingue avant de commencer sa carrière professionnelle », conseille M. Van Rossum.
L’importance des brevets :
« Il y a 2 grands dangers pour les ingénieurs. Tout d’abord, ne pas comprendre la valeur créée d’un produit parce que l’on reste trop focalisé sur son coût et ensuite protéger efficacement ses idées » (> Cédric Van Rossum)
Le dépôt et la gestion de la propriété intellectuelle doit être un processus parallèle à la progression du projet. Ce passage est obligatoire pour éviter d’être copié : « Nous avons déposé des brevets tout au long du projet. Il faut se construire une véritable forteresse multi-dimensionnelle pour pouvoir bien se défendre ».
Une protection indispensable qui coûte aussi beaucoup d’argent : « Pour les dépôts internationaux, il faut prévoir 75.000 à 100.000 € ». Et qui comporte certains risques : « Il faut être certain que le produit est vraiment une invention et pas une supposition. Malheureusement, parfois, on ne l’apprend que plusieurs années après avoir lancé son projet », déplore l’ingénieur.
Mais pas question de faire l’impasse ! D’après Cédric Van Rossum, ce point est véritablement critique pour la réussite à long terme : « L’histoire industrielle est peuplée de gens qui ont tout perdu parce qu’ils se sont fait copier ».